Le 22/09/2012 -

Otto Preminger, l’auteur de LAURA, AUTOPSIE D’UN MEURTRE, EXODUS est le premier cinéaste que j’ai découvert car RIVIÈRE SANS RETOUR est le premier film que j’ai vu de ma vie. C’est donc le premier film mais aussi le premier cinéaste que j’ai aimé. Oui, Preminger fut le premier artiste dont j’ai lu le nom sur la vieille VHS enregistrée par mon père. Je ne comprenais pas tout à fait ce que cette étrange appellation venait faire en dessous du titre du film. « Rivière Sans Retour d’Otto Preminger ». Comme si un film était de quelqu’un ? Comme si l’existence en dehors de mon appartement n’était pas la promesse de supers randonnées au milieu des paysages canadiens avec Marilyn Monroe en train de chanter en sous vêtements ? Comme si un film n’était pas simplement la vie enregistrée sur cassette ?

OTTO PREMINGER : ce sont donc sans doute les deux premiers mots que j’ai jamais réussi à lire. Imaginez la chose. Vous commencez à apprendre la lecture et le jour où vous voulez prouver à vos parents que vous avez réussi à déchiffrer correctement, vous leur hurlez fièrement à l’autre bout de l’appartement : OTTO PREMINGER.
« Qu’est ce que tu as dis mon chéri ? Tu veux voir grand-père ?
-OTTO PREMINGER. »
On m’accusera de germanophobie primaire mais dans la bouche d’un chérubin souriant, ça sonne presque comme une déclaration de guerre.

Allez savoir ce qu’évoquent pour un parisien tendance normande d’ascendance rive droite les premiers mots sortis jamais de son gosier au terme de son apprentissage de la lecture : OTTO PREMINGER. À quoi ai-je d’abord pensé : une nouvelle marque de magnétoscope, une voiture solide, une machine à laver massive, une aciérie ?

On ne se demande jamais à quel point les choses ou les gens ressemblent ou non aux mots qui les portent. Qui sait ce que les auditeurs s’imaginent en entendant la voix et l’accent des trois kaboomers :
« Bonjour, je suis VINCENT QUÉNAULT ». QUÉNAULT : un jeu télévisé toulousain, un nouveau loto sportif, un art martial ?
« À coté de moi, il y a NICOLAS KUNC » NICOLAS KUNC : des cigarettes polonaises, un explorateur fou, un savant aux lunettes à gros foyers, auteur d’une théorie « kuncienne » auquel personne n’a jamais rien compris.
« Et enfin FRÉDÉRIC MERCIER ». Pour le coup, je vous laisse juge… Mais il est certain que mon nom paraît un brin moins exotique que celui de mes deux acolytes et qu’à tout le mieux, on peut s’imaginer le patron taciturne d’une taverne modeste d’une ville moyenne de province, un commerce qui périclite un jour de crachin, un simple badaud sans charisme auquel personne ne fait attention, un passant condamné à mourir dans le plus parfait anonymat après une vie anonyme.
Et Kaboom ? KABOOM, qu’évoque donc pour vous ce nom aujourd’hui après deux ans d’activité? Un film sexuel et libertaire, un brin foutraque ? Une confiserie de la Gare de l’Est ? Une émission québécoise ? Ou un formidable podcast de cinéma grâce auquel on apprend plein de trucs comme, par exemple : « Ca veut dire quoi OTTO PREMINGER ? »


Frédéric Mercier